Nate a toujours du mal à se séparer de ses enfants, et le fait qu'Esteban ait décidé d'étudier à Cambridge l'emplit de fierté autant que ça lui brise le coeur. Il aimerait qu'ils puissent rester tous ensemble tout le temps - mais ça n'est pas possible, et il est hors de question, pour Nate, de sacrifier l'avenir de son fils. Alors il tente de s'habituer sans rien dire aux bagages empaquetées à chaque fin de vacances, en reversant l'excès d'amour qu'il porte à son fils sur Lily, en attendant la prochaine venue d'Esteban, qu'il surveille discrètement sur instagram quand il ne l'appelle pas tous les jours pour prendre des nouvelles.

Les vacances d'été sont un déchirement supplémentaire parce qu'en deux mois, il a eu le temps de se réhabituer à la présence quotidienne de son fils, à leurs échanges complices, à leurs descentes nocturnes pour vider les pots de glace du congélateur.

Un peu nostalgique, il gagne la chambre de son fils, qu'il conduit le lendemain pour qu'il attrape son train. Il doit être en train de faire ses valises, et Nate soupçonne qu'il ait envie d'aller passer sa soirée ailleurs - même si l'idée ne l'enchante pas. Alors il monte, frappe à la porte et entre avec un sourire un peu triste.

- Tes valises sont prêtes ? il demande d'une voix douce.

Ces vacances qui s’achèvent rendent Esteban nostalgique. La vie à Blackpool il s’y est habitué finalement. Et même s’il a dû rédiger quelques documents pour son père, l’idée de partir le rend triste. A Cambridge ses amis se font déjà une hâte de le revoir, mais Esteban lui ne pense qu’à ce qu’il laisse derrière lui. Sa famille soudée de nouveau, un homme dont il a fini par s’amouracher aussi. Il aurait dû le voir venir et pourtant, le voilà foudroyé par un sentiment étrange quoique ironiquement prévisible.

Son père pénètre la pièce, et il peut déjà lire en lui comme dans un livre ouvert. Pendant ces deux mois, il a été comme un meilleur ami qui lui a laissé faire des erreurs et apprendre d’elles. Il lui manquera c’est certain, avec sa douceur et les pots de glaces qui ne revoient plus la lumière du jour.

- Hey dad, yeah I did. I think ?

La valise qui trône ouverte et remplie au milieu de la pièce en atteste. D’ici demain il se sera envolé pour Cambridge où il retrouvera l’université, ses grands rêves, et les longues dissertations qu’on achève à des heures impossibles.

- I’m going to miss you all.

Nate tient un sac qu'il glisse dans la valise ouverte de son fils dans un sourire.

- You should take that with you, il explique. It's a book I found really clever and usefull when I was a bit younger than you.

Il s'approche un peu et s'assoit sur le bord du lit en jetant un oeil autour d'eux. Cette chambre va rapidement lui sembler bien vide quand elle ne sera plus animée par son fils.

- Will you be back for halloween? You know you just give me a call whenever you want train tickets and I'll buy them for you, right?

Il sourit encore un peu et prend une inspiration pour ne pas se laisser envahir par une émotion paternelle mal placée - surtout quand il se trouve face à son fils qui est maintenant un jeune adulte plus qu'un adolescent.

- So are you going to spend the night at the Casino ?

Il met les pieds dans le plat, parce que ces vacances leur ont permis de parler plus ouvertement, et il semble à Nate qu'il est important de permettre à son fils de parler de qui va lui arriver quand il prendra le train demain pour s'éloigner de son amour de vacances. Même si l'amour en question est un homme de son âge et que l'idée ne lui plait pas plus que ça.

Nate laisse son fils le rejoindre sur le canapé et glisse une main réconfortante sur son bras. Il ne doute pas qu'il soit particulièrement délicat d'être obligé non seulement de quitter sa famille pour retourner à l'université mais également de rompre avec son petit-ami avant de faire tout ça. Il glisse un bras autour de son épaule pour lui apporter un peu de réconfort.

- I know, but I can't really help but missing you all the time when you're gone so Halloween seems super far away, il explique en riant un peu, mais tristement.

Il soupire un peu et hausse une épaule. Il n'a connu qu'une seule rupture dans sa vie, et elle a été grandement atténuée par le fait qu'il avait déjà rencontré l'amour de sa vie dans l'intervalle. Il ne peut pas donner de grands conseils à son fils.

- Alright, I'll wait for you then.

Il lui offre un sourire réconfortant et presse un peu son bras.

- You'll be better. Not now, but in a few months, you will. And you'll be glad because you allowed yourself to feel things.

Este sourit tendrement. Il est chanceux d’avoir un père comme Nate et il le sait. Sa famille n’a rien de traditionnelle et pourtant il ne pourrait pas être plus fier de ses origines. Alors il se blottit contre lui, comme un enfant qui recherche la présence réconfortante de son père, de son meilleur ami aussi.

- Don’t be sad, you won’t have to lie to dad because of me anymore. That’s a good thing.

A bien y réfléchir, il faudrait sans doute qu’il arrêter de mêler Nate à ses mauvaises décisions. Il s’en voudrait sans doute si ses parents venaient à se disputer en apprenant tout ce qu’il a pu faire en douce avec l’aide d’un complice inespéré.

Esteban rit un peu aux mots réconfortants de son père. Il ignore s’il a une idée de ce qu’il ressent, mais il apprécie l’intention.

- You’re probably right. Being a feeler is not always the easiest though. I really liked him you know ?

Il utilise like, mais son père n’est pas dupe pour autant. Plus qu’un simple flirt, il a développé des sentiments pour Oscar avec le temps. Leur relation n’avait rien d’habituel et contre toute attente, Este s’est laissé séduire par une simplicité finalement assez paradoxale.

Il est vrai que Nate ne s'est pas toujours retrouvé dans une situation facile au cours de l'été qui vient de s'écouler. Etre obligé de couvrir son fils l'a contraint à mentir à Alej, or il est de notoriété publique qu'il ne sait absolument pas mentir à son mari quand il est dans les parages. Il est bien plus doué pour le faire quand il s'agit de son travail. Heureusement, Alej n'est pas complètement dupe mais lui fait confiance - en tout cas, fait confiance à son jugement. C'est le principal.

- Yeah that will give me some holidays indeed, cause your father knows when I'm lying and it's exhausting to change his mind.

Il sourit un peu et referme ses bras autour de son fils qui se blottit contre lui comme un enfant. Il ne savait pas qu'il ressentirait ça un jour, la fierté du sentiment paternel - il souhaiterait pouvoir prendre pour lui toute la peine de son fils, pour l'en libérer, pour le soulager. Il préfèrerait mille fois être triste lui même plutôt que de devoir faire face à ses traits douloureux. Mais il ne peut pas, il ne peut que l'accompagner, le soutenir - et c'est ce qu'il fera, la vie est ainsi faite.

- I know. I can see it. Being a feeler is not the easy way indeed, but when you won't be sad anymore, when you'll remember the good parts, it'll be worth the pain. Cause when you think about it, wasn't it amazing to feel what you felt?

Il resserre un peu son étreinte et embrasse les cheveux bouclés de son fils.

Este s’autorise un rire, même s’il ne préfère pas imaginer ce que son père entend par là. La manière dont les Paredes-Gardners se changent les idées est loin d’être aussi catholique que leur jolie famille. Retourner à Cambridge sera plus difficile qu’il ne se l’était imaginé avant de revenir pour les vacances. Quinze jours, c’était la limite qu’il s’était donné avant d’implorer sa meilleure amie de l’héberger chez ses parents.

- I guess it is… But I don’t really want to know.

Este lui adresse un sourire reconnaissant. Parler d’Oscar lui est difficile, d’autant plus qu’il s’apprête à lui rendre visite pour lui dire au revoir. C’est sans doute ridicule de s’être attaché si vite, mais Este avoue facilement qu’il ne l’a pas vu venir.

- I suppose it was amazing at first. But anyways, that’s for the best. I need to focus on my studies. Running off with an old man to open an art gallery would have get you killed by a angry mexican.